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#51 – Vivre et écrire dans le Kamouraska


En plateau (virtuel) :

Gabrielle Filteau-Chiba, romancière québécoise et militante de la cause environnementale, publie Encabanée, son premier roman, aux éditions Le mot et le reste.

Contexte :

Traductrice de formation, Gabrielle Filteau-Chiba a quitté le confort d’une vie citadine à Montréal, sa ville natale au Québec, pour vivre durant trois ans dans les conditions les plus rudimentaires d’une cabane sans eau et sans électricité, perdue dans les forêts du Kamouraska. Encabanée, son premier roman (et premier volet d’un triptyque), est né de cette expérience extrême qui l’a marquée et profondément transformée.

Est-ce la peur de « s’encanailler », de s’embourgeoiser, qui conduit la narratrice à s’encabaner et affronter solitude et coyotes dans les nuits glacées du Bas-Saint-Laurent ? La peur de se laisser vaincre par l’usure du temps, les compromis et les démissions, l’apathie et le cynisme, pousse-t-elle l’ex-étudiante engagée et jeune femme promise à une brillante carrière, à larguer les amarres et vivre sans filet ? Caprice bobo ou décision irréversible ? Coup de tête ? Coup de foudre pour le Kamouraska.
« Fini, la facilité de se démerder en ville, grâce à ta belle gueule », déclare Anouk en se constituant prisonnière de l’hiver, sans grande préparation. Avec comme seule compagnie, celle d’un journal de bord soumis aux aléas de l’encre gelée de sa plume, et celle des souris, ses colocataires.

Comment fait-on pour survivre quand l’eau de la rivière est gelée, qu’il fait moins 40 à l’extérieur et qu’il faut sortir chercher du bois ? Le froid qui vous empêche de dormir. La peur de s’endormir et mourir de froid, car le feu s’est éteint dans la cheminée. La neige pour tout horizon.
L’épreuve du froid comme métaphore. Oui et non. Un baptême du feu. Douter mais ne pas renoncer. Assumer ses rêves et ses illusions. Ses erreurs. Faire l’expérience de ses propres limites. Oser aller au bout de soi-même. Entrer dans le vif du sujet, être et non pas paraître. En quoi vaincre la frilosité libère, est facteur d’émancipation ? En passer par là pour trouver et puiser en soi les ressources inconnues, la force et le courage. La sève et le sel de la vie. La cabane comme une boîte de Pandore. Renaître. Attendre le printemps. Comme une aurore boréale.

Pour Gabrielle Filteau-Chiba, l’écriture n’est pas un exercice futile. Elle passe par une difficile mise à nu de soi-même dans lequel subsiste l’essentiel, délesté du superflu. Il faut éprouver que l’on est soi-même vivant pour prendre réellement conscience de ce qu’est la vie, que les autres sont des vivants, que la nature est vivante et mérite notre respect et notre bienveillance. Engagée dans la lutte environnementale, la romancière québécoise écrit comme elle vit, en harmonie, en osmose avec la nature, dont elle se sent un élément. Sa prose poétique rend hommage aux générations qui nous précèdent, aux Amérindiens, aux premières nations, à la solidarité qui unit tous les vivants. Avec vigueur et fraîcheur, elle porte l’aube d’un monde nouveau. Son récit est celui d’une conversion, la sortie de l’adulescence et l’entrée dans l’âge adulte, celui de l’éco-responsabilité. Planter un arbre, lutter contre la déforestation, en manifestant pacifiquement, en dessinant, en écrivant, sont chaque fois une merveilleuse façon de cultiver l’espoir, de remporter de petites victoires qui, s’ajoutant les unes aux autres, font sens.

Les petites rivières font les grands fleuves.

À l’oreille :
  • Louis-Jean Cormier – Croire en rien (tiré de l’album « Quand la nuit tombe »)
  • Les colocs – Le répondeur (tiré de l’album « Dehors novembre »)
  • Patrick Watson – Here comes the River (tiré de l’album « Wave »)
Pour aller plus loin :
  • Gabrielle Filteau-Chiba, Encabanée, Le mot et le reste, 2020 (première parution au Québec, aux éditions XYZ, inc., 2018)
  • ET :

  • Anne Hébert, Kamouraska, Le Seuil, 1970


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 January 2, 2021  1h10m